vendredi 13 mars 2009

TCE - Monteverdi, L'Incoronazione di Poppea - McVicar, Jacobs - 13 octobre 2004

Il est toujours difficile de se faire une idée de l'équilibre entre huées et bravos au sein d'un public, mais à mes oreilles les huées l'ont emporté hier soir lorsque l'équipe de mise en scène est venue sur la scène. Hélas, je ne puis que me trouver d'accord avec ceux qui ont hué M. McVicar et compagnie.

Ca commence mal dès le prologue. Engoncées dans des robes invraisemblables, Patrizia Ciofi (chauve pour l'occasion) et Anne Sofie von Otter, font ce qu'elles peuvent, mais McVicar a voulu, dans ce prologue, faire comprendre que, certes, on parle de personnages antiques, mais qu'au-delà de l'aspect très guindé on va voir ici des personnages de chair et d'os, très vivants. Problème, il ne nous reste ici que l'aspect guindé de ce prologue, alors que la musique comme le texte de ce prologue sont au contraire un modèle d'humour et de fluidité. Ca ne s'arrange pas ensuite, McVicar étant trop peu inspiré pour faire autre chose que remplir, avec des gestes souvent superflus, une illustration trop littérale de l'oeuvre, sans émotion, sans créer de liens entre les personnages. Le décor très chic et très passe-partout n'aide pas à transformer les chanteurs en personnages. Il n'y a donc rien de scandaleux, rien de révoltant dans ce spectacle, mais simplement une panne complète d'inspiration, qui commence à me faire soupçonner que la réussite exceptionnelle d'Agrippina était une exception dans le travail de McVicar.

Musicalement, cela ne va pas beaucoup mieux. Comme beaucoup, j'ai "appris" Monteverdi dans les enregistrements de René Jacobs, et ses enregistrements de Cavalli restent très importants pour moi dans la mesure où ils sont hélas les seuls ou presque. Mais depuis, j'ai un peu changé d'avis grâce à la contestation portée, entre autres, par Ivor Bolton à Munich (et bientôt à Paris) ou William Christie dans son Retour d'Ulysse à Aix et en tournée, qui animent Monteverdi essentiellement grâce au continuo, les "dessus" n'intervenant que là où ils sont prévus explicitement dans les sources*. Ici, Jacobs réécrit les accompagnements nettement moins que dans son enregistrements, ce qui peut sembler une concession aux thèses adverses (on pourrait dire ennemies, tant Jacobs met de vigueur à défendre son point de vue). Malheureusement, j'ai trouvé son continuo peu satisfaisant, peu imaginatif, utilisant trop peu les luths et souvent trop le clavecin. Ce qui lui a été reproché dans son enregistrement - manque de cohérence dans le choix des tempos, absence de rythme d'ensemble au long de l'oeuvre - est encore plus vrai ici, et le choix des chanteurs est nettement moins satisfaisant qu'au disque. Le couple formé par Danielle Borst, vipérine, séductrice et manipulatrice, et Guillemette Laurens, beau timbre et constante ambiguïté entre l'adolescent fougueux et le "monarca del mondo", était inoubliable; ici, Patrizia Ciofi a de fréquents problèmes avec la tessiture (mais aussi de beaux moments), et Anna Caterina Antonacci, avec une voix merveilleuse, est trop peu dirigée (par le metteur en scène comme par le chef) pour réussir à créer un personnage. Les seconds rôles sont eux aussi moins inspirés, rien de comparable au Liberto de Guy de Mey, qui chantait les vocalises de l'air "Mori e mori felice" avec une poésie vraiment céleste. Aux côtés de l'impérial -vraiment- Lawrence Zazzo en Ottone, seule Anne Sofie von Otter parvient, sinon à faire oublier la toujours impériale Jennifer Larmore, du moins à se hisser au même niveau, avec une gestuelle sobre beaucoup plus adaptée que ce que les autres personnages nous infligent, et un sens du mot qui rend enfin justice aux auteurs de ce chef-d'oeuvre.

Bref, il est urgent d'attendre le spectacle de Garnier pour enfin retrouver cet opéra qui est l'un de mes préférés, toutes périodes confondues.
Et si vous n'avez pas de billets pour cette production et voulez aller au spectacle, précipitez-vous donc à la billetterie... du Châtelet!

*Rappelons que les deux manuscrits du Couronnement de Poppée, tous deux postérieurs à la création, ne notent qu'une basse non chiffrée pour l'accompagnement des airs, un peu comme si on accompagnait l'opéra au clavecin en jouant avec un seul doigt; les ritornelli (courts passages orchestraux un peu partout dans la partition) sont seuls (ou presque) à bénéficier d'un accompagnement à plusieurs parties. Si, évidemment, chacun s'accorde à dire qu'il faut "réaliser" le continuo, la question est de savoir s'il faut étoffer l'accompagnement en réalisant un accompagnement à 3, 4 ou 5 parties, ou se contenter du continuo (qui peut être très riche: clavecins, luths, théorbe, guitare, harpe, violoncelles..., pas moins d'une dizaine de musiciens dans les productions munichoises). M. Jacobs dit que ce travail d'"orchestration" est obligatoire, MM. Christie et Bolton pensent le contraire, et moi de même.


N'oubliez pas que Musicasola, le vrai, c'est là !

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